mercredi 1 mars 2017

Avoir l'air stupide... même sur un bateau !

On peut avoir l'air stupide partout... même sur un bateau !

Prenez hier, par exemple.

Je reviens de Québec et je monte sur le traversier pour me rendre à Lévis. Comme le bateau part à toutes les demi-heures, je coure dans les escaliers pour ne pas le manquer. Encore beau que je ne me sois pas enfarger dans les marches !

Une fois rendue dans le couloir qui mène au guichet (vous savez, celui où il y a un homme bête et grisonnant assis derrière un comptoir vitré), je me dirige vers les deux portes coulissantes... fermées. Je reste là, immobile, à les fixer pendant plusieurs secondes (je m'imagine sûrement qu'elles finiront par s'ouvrir par la seule force de ma pensée...).

- Voyons ! Pourquoi elles ne s'ouvrent pas ! que je grogne entre mes dents. La panique est en train de me gagner : et si le bateau avait cessé ses activités pour la soirée ? Après tout, il est 11h du soir !

Je lève la tête et croise le regard de l'homme derrière le comptoir, qui me regarde en secouant et en se grattant la tête.

« Mais qu'est-ce qu'il a à me regarder de même ! » que je me demande, agacée.

C'est alors que je remarque un écriteau fixé sur les portes : « Réservé aux sorties seulement ». Je ne sais pas pourquoi mais je pense : « ben oui, c'est ça, je sors de la traverse. Alors pourquoi elles ne s'ouvrent pas ?  ».

Et là, dans un éclair de lucidité, je viens de comprendre : ces portes sont destinées aux gens qui sortent du bateau ! Pas à ceux qui y embarquent !

Je sors de ma torpeur et coure vers l'homme derrière le comptoir, honteuse. Il pouvait bien secouer la tête en se la grattant ! Quelle nouille je fais !

Mais ma stupidité ne s'arrête pas là ! Oh que non !

Une fois sur le bateau, j'entre à l'abri et vais me poster à une fenêtre pour admirer la magnifique vue qu'offre la rive de Québec le soir. Les dizaines de lumières, les panneaux lumineux et surtout, le château Frontenac, m'hypnotisent. Puis, mes yeux se posent sur les blocs de glaces de différentes formes et grosseurs qui tapissent le fleuve que le brise-glace a laissés dans son sillage.
« Comme c'est beau ! que je me dis. C'est la première fois que je prends le bateau un soir d'hiver et c'est tout simplement magique ! Encore plus que l'été ! »

Tout à coup, un gros « boum » retentit mais l'eau continue de tourbillonner à mes pieds et les morceaux de glace, à dériver. La peur me prend : et si on avait percuté un iceberg, comme dans Titanic ? L'eau doit être d'un froid sibérien là-dessous ! Comment vais-je tenir le coup aussi longtemps que Jack et Rose ? (Je me souviens encore des noms des personnages principaux, signe que ce film m'a marqué. D'ailleurs, c'était vraiment un bon film très bien fait, avec une belle histoire d'amour comme je les aime entre deux êtres que tout sépare mais qui finissent par se retrouver dans l'éternité et qui reproduit efficacement l'Angleterre du début du 20e siècle avec ses différentes classes sociales et... Mais attendez ! Je suis en train de faire une critique de cinéma, là! Alors revenons à nos moutons !) Mon imagination s'emballe, donc, comme toutes les fois où j'ai peur. Je m'imagine en train d'agripper un iceberg et de m'y hisser, attendre qu'on vienne me secourir, bleue et tremblante, tandis que le sang se retire de mes mains et de mes pieds. Finalement, je meurs de froid et glisse vers le fond, où un navire retrouvera mon corps des années plus tard. Bon, je sais, c'est morbide, mais c'est le genre de pensées qui me traversent parfois l'esprit...

Je regarde autour de moi : pas de cris de panique, pas de gens qui se ruent à l'extérieur à la recherche de canots de sauvetage, c'est bon signe. J'en vois même debout sur le pont, qui semblent admirer la vue. Bah, ça ne doit pas être si grave que ça.

Soudain, la porte s'ouvre. Ça y est, c'est le capitaine qui vient m'avertir qu'il faut embarquer dans les canots ou m'ordonner de sauter à l'eau parce que son bateau a percuté un obstacle et que l'eau s'engouffre. Je tourne la tête : mais non, ce n'est que le concierge qui entre avec sa moppe et son seau d'eau pour laver le plancher.

Il me regarde d'un air curieux. « Ben voyons ! Qu'est-ce qu'ils ont tous à me dévisager comme si j'étais une extra-terrestre ? »

Je baisse la tête vers les eaux et les voient encore remuer : on ne doit pas être arrivé. Je reporte mon attention sur la rive opposée, avec ses magnificences. Parfois, je croise le regard du concierge dans la vitre, qui s'affaire derrière moi. Décidément, il a l'air de me trouver bizarre !

Des gens entrent dans l'abri. Des nouveaux. Que je n'ai pas vus.

Encore une fois, je suis frappée par un éclair : et si on était arrivé ? Et si le tourbillonnement de l'eau et la dérive des glaces n'étaient pas un signe de mouvement ?

Je lève la tête, paniquée, et me rue vers la sortie. Je presse le bouton qui fait ouvrir la porte et je vois la passerelle déployée devant moi. Oh mon Dieu ! Le bateau est arrêté ! Mais depuis combien de temps ?