Je n'ai qu'une envie : avoir une job normale. Être comme tout le monde, rentrer dans le moule. Pourquoi est-ce si dur pour moi ? Je le sais, c'est à cause de ce foutu déficit de l'attention. Non, ce n'est pas une excuse ! C'est vraiment à cause de ça. Il m'empêche de me concentrer sur une seule chose, de terminer mes projets, de garder les yeux sur un seul objectif. Un jour, je veux être auteure et l'autre d'après, commis comptable. Le jour d'après ? Prof. Le surlendemain ? Journaliste. Ah et puis pourquoi pas politicienne ? Je n'arrive pas à me brancher. C'est gossant, à la fin ! Je sens que je vais bientôt perdre la carte, le nord, le nord de la carte, la carte du nord. Je ne sais pas ce qui m'anime, je ne connais pas mes intérêts. Oui, je les connais mais ils sont trop nombreux. Je n'ai pas assez de mes dix doigts pour les compter... Ouais, ça part bien pour une commis comptable !
À cause du TDAH, je suis incapable de garder une job. Je dois relire 3-4 fois le même paragraphe, je ne vois pas les détails, tous les papiers se mêlent sur mon bureau, je commence de travailler avant d'avoir reçu les consignes. Les employeurs ont l'air de penser que je travaille mal, par mauvaise volonté. Pourtant, non, rien n'est plus faux ! Dans mon dernier emploi, où j'étais correctrice au gouvernement, je faisais tout mon possible pour qu'on me garde... Je me référais souvent au guide de correction, je revérifiais mon travail, j'arrivais à l'heure, je demandais des explications... rien à faire ! Je décevais... encore et toujours. Selon mes boss, je ne connaissais pas ma grammaire ni ma syntaxe, je jugeais mal les textes des élèves, je manquais d'organisation, je n'allais pas assez vite, etc. Tous ces commentaires m'ont tellement blessée et découragée, surtout que je donnais tout ce que j'avais ! Je ne comprenais pas ce qui m'arrivait, d'autant plus que j'ai toujours été bonne en français. Quand j'ai eu le verdict final, c'est comme si je recevais un coup de massue :
"Le rendement de Mme X est insatisfaisant donc, son retour n'est pas souhaitable."
Wow ! Ça et se faire passer dessus par un bulldozer, c'est la même chose !
Je me suis alors vraiment posée des questions sur moi-même. Je me demandais ce qui clochait avec moi, surtout qu'on me disait intelligente. En naviguant sur le net, je suis tombée sur un article sur le TDAH. En lisant la description, j'en ai eu le souffle coupé. C'était moi, enfant ! Je me suis demandée si l'on pouvait en garder les symptômes, une fois adulte. En faisant des recherches, j'ai appris que oui. En fait, 70% des enfants gardent des traces du "déficit" toute leur vie. C'était donc ça, mon problème ! J'avais le TDAH ! C'est comme si on venait de m'enlever une tonne de briques des épaules ! J'ai aussi découvert, avec stupéfaction, que le TDAH était également un cadeau qui, lorsque bien utilisé, pouvait apporter plein de belles choses !
En effet, un attentionnel ne cadre pas dans le monde du travail, celui-ci demandant vitesse, concentration, souci du détail, organisation, respect des règles. Oh ! Il peut toujours prendre des médicaments ! Ainsi, il pourra "cadrer" dans le moule de la société ! Mais comme j'ai toujours été anti-médicaments, je préfère une autre solution. Celle qui consiste à miser sur mon "cadeau" (voir premier message). Car un attentionnel peut très bien réussir comme entrepreneur ! Les bonnes idées, l'esprit visionnaire, l'énorme créativité et le goût du risque de l'attentionnel vont à merveille à l'homme d'affaires ! C'est peut-être pour ça que mon expérience de salariée a viré au cauchemar...
Ce qui n'aide rien, c'est que je suis artiste. Non, je ne peux nier cette partie-là qui me colle à la peau et qui me suit partout, comme un chien de poche, une tare, une mouche à m... Je ne peux ignorer les idées de textes qui me viennent à l'esprit, mon penchant pour le théâtre, l'écriture, le cinéma, les livres, le chant. Mon test d'orientation m'a confirmé ce que je craignais : je suis une artiste finie ! Idéaliste, en plus ! Une artiste idéaliste avec le TDAH, yeah, comme c'est bienvenue dans le monde du travail ! Comme on peut beurrer son pain avec ça, nourrir sa famille, avoir l'auto de l'année, la grosse maison avec grand terrain ! Parce que toutes ces choses-là, j'aimerais les avoir. Tant pis pour ceux que ça choque ! Oui, je veux changer le monde. Oui, j'aime m'exprimer par l'art. Oui, je suis flyée sur les bords. Oui, j'aime mon indépendance. Mais non, je ne veux pas être pauvre pour autant.
Je sais : alors que certains rêvent de quitter leur prison dorée pour partir avec leur sac à dos, moi je rêve de quitter ma vie de bohème pour m'emprisonner. Alors que beaucoup ne veulent que retourner devant le fourneau et prendre la plume, moi, je veux troquer plume et fourneau contre attaché-case et tenue de bureau. Alors que des carriéristes songent aux petits plats fumants et à la famille autour de la table, moi je ne pense qu'à suivre le troupeau de travailleurs, le matin.
Mais je dois l'admettre : je ne suis pas faite pour ça.
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